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[Article juridique ] Droit des sociétés

Pacte d'actionnaires, quel intérêt dans une Société par actions simplifiées?

L’adoption de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE le 30 janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Fasso) en remplacement de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 en vigueur depuis le 1er janvier 1998 a permis de constater certaines innovations dans l’écosystème juridique de l’OHADA. Au nombre de ces innovations, la consécration du pacte d’actionnaires et l’institution de la société par actions simplifiée. Une pratique courante dans la vie des affaires et une nouvelle forme dérivée de la société anonyme (SA) voient le jour dans le corpus législatif de l’OHADA.

La société par actions simplifiée est une structure dérivée de la société anonyme. Elle est caractérisée essentiellement par sa souplesse de gestion résultant de la liberté contractuelle accordée aux actionnaires dans l’établissement de ses statuts. Elle est régie par les articles 853-1 à 853-23 de l’Acte uniforme révisé. La rigidité de la gestion de la société anonyme a inspiré la création de cette forme de structure qui incarne plus de souplesse, de légèreté et de simplicité dans la gestion afin de favoriser la croissance des entreprises. Contrairement à la SA qui reste soumise à de multiples contraintes juridiques, la SAS est l’émanation de la volonté de ses fondateurs. Nonobstant plusieurs renvois des règles de son fonctionnement à celles de la SA, la SAS se démarque foncièrement par la liberté contractuelle qui la caractérise. Toutefois, en dépit de sa spécificité, la SAS ne ravit pas la vedette à la SA sur tous les plans. Elle reste circonscrite à certains domaines, car elle ne peut procéder à un appel public à l’épargne, ni être cotée en bourse. Ces attributs restent dévolus à la SA pour éviter de la vider de tout attrait.

La présence de règles d’ordre public dans les statuts et l’exigence de la publication de ces derniers ont conduit les praticiens à concevoir un instrument juridique particulier pour régir leurs rapports en toute confidentialité. C’est la finalité du pacte d’actionnaires. Cet instrument est avant tout un contrat et est désormais prévu par l’AU[1]. Le pacte d’actionnaires permet d’organiser les relations entre associés, la composition des organes sociaux, la conduite des affaires de la société, les modalités d’accès au capital, la transmission des titres sociaux etc. Il ne produit d’effet qu’à l’égard des parties signataires. En d’autres termes, le pacte d’actionnaires peut être défini comme un instrument contractuel destiné à éviter les règles impératives gouvernant les rapports sociaux. Conclus entre deux, plusieurs ou tous les associés, dans ou en dehors des statuts, ces pactes ont généralement pour objet d’organiser le contrôle de la gestion de la société et celui de la composition de son capital[2].

Dans cette réflexion, nous nous interrogeons sur le point de savoir en quoi recourir à un pacte d’actionnaires dans une SAS peut être utile au vu de la liberté contractuelle qui caractérise cette dernière. Concrètement, si le pacte d’actionnaires consiste à établir une convention extrastatutaire à des fins d’organisation et de fonctionnement de la société alors que la liberté contractuelle offre la même finalité à la SAS, la question mérite d’être décortiquée.

Le pacte d’actionnaires est-il toujours utile en dépit de la flexibilité qu’offrent les statuts de la SAS ?

Comme nous l’avions si bien mentionné, le pacte d’actionnaires permet de définir secrètement les modalités de fonctionnement et d’organisation d’une société. Le recours à cet instrument est nécessité par la présence de règles juridiques contraignantes en matière de gouvernance d’entreprise dans certaines formes de sociétés. A titre d’exemple, dans les sociétés anonymes, les modalités de fonctionnement et d’organisation sont clairement fixées par la loi[3]. Il est donc utile de recourir à cet instrument qui déroge habilement à ces règles matérialisées dans les statuts.

Il convient de préciser d’emblée que l’attrait d’un pacte d’actionnaires ne se résume pas à la souplesse et la flexibilité qu’il offre. Le pacte dispose en outre d’autres particularités que n’offre la liberté contractuelle dans la rédaction des statuts d’une SAS.

Les formalités légales qu’exige la rédaction des statuts dans une SAS en dépit de la liberté contractuelle justifient l’utilité du pacte d’actionnaires en partie. En effet, les statuts comme le définit l’AU en son article 12 constituent le contrat de société. En soi, ils  désignent l’ensemble des règles qui régissent les rapports entre associés mais aussi les rapports à l’égard des tiers. Cette circonstance suppose qu’ils soient signés par tous les associés et mis à la disposition du public indirectement par le biais de leur dépôt au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM). Par contre, le pacte d’actionnaires peut concerner uniquement un nombre limité d’actionnaires. On peut d’ailleurs affirmer que le pacte n’a de réel intérêt que lorsqu’il ne concerne pas tous les associés. Dans l’hypothèse où il concerne tous les associés, on serait tenté de s’interroger sur l’opportunité d’inclure toutes les clauses du pacte dans les statuts de la SAS.

Contrairement aux statuts qui sont mis à la disposition de tout associé pour signature quelle que soit la forme de la société et leur mise à disposition du public à l’exception de la société en participation, le pacte d’actionnaires conserve sa vertu de confidentialité. Il n’est soumis à aucune publicité et demeure secret entre les parties signataires, d’où son appellation « pacte ». Ce caractère confidentiel du pacte lui conserve tout son attrait dans une société commerciale. Aussi, la modification des statuts de la SAS appelle un formalisme juridique à respecter. De la convocation d’une assemblée générale extraordinaire jusqu’à l’enregistrement du procès-verbal et la publication des statuts modifiés, un long processus subsiste qui n’est pas non moins dissuasif. Le pacte d’actionnaires peut être modifié à tout moment sans formalité particulière. Les modalités de modification sont librement fixées par les signataires sans que cela nécessite le respect d’une exigence légale.

Enfin,  à la différence des statuts, la participation à un pacte n’est pas animée par l’affectio societatis mais par la défense d’intérêts particuliers. Rappelons en effet que les statuts constituent le contrat de société et l’un des éléments essentiels à la formation de celui-ci demeure l’affectio societatis ; ce qui marque une distinction qui renforce l’attrait du pacte d’actionnaires.

Au regard de ce qui vient d’être développé, pourrait-on espérer une meilleure gestion si on associait le pacte d’actionnaires aux statuts de la SAS. Les lignes suivantes nous édifierons davantage.

Quelle articulation entre pacte d’actionnaires et statuts de SAS ?

Certes, la SAS offre à ses actionnaires une plus grande souplesse dans la définition des modalités d’organisation et de fonctionnement de la société, mais elle n’en constitue pas moins une entreprise maniable à la guise des actionnaires. A l’exception de certaines dispositions, les règles applicables à la société anonyme sont applicables à la SAS[4]. La démarcation de la SAS quant à sa souplesse vis-à-vis des autres formes de sociétés est à relativiser dès lors qu’elle ne confère pas une totale liberté à ses actionnaires. L’AU prévoyant à cet effet une réserve à cette liberté contractuelle sur le respect de règles impératives.

S’agissant du pacte d’actionnaires, même si l’on ne peut affirmer qu’il existe une totale liberté dans son établissement, la flexibilité qu’il offre n’est pas moins importante par rapport aux statuts de la SAS. A la lecture de la lettre de l’article 2-1 de l’AU, on comprend que la définition des modalités d’organisation et de fonctionnement prévue n’est qu’une faculté laissée aux associés sans que l’usage de cette faculté ne déroge aux dispositions légales et statutaires. Implicitement, on n’en déduit que le pacte conserve une valeur juridique infra statutaire. Pourtant, la mise en œuvre des clauses du pacte influence plus le fonctionnement de la société que l’application des dispositions statutaires. Ces dernières deviennent alors un ornement de façade sans aucune application réelle pour une bonne partie de ses clauses.

On peut d’ailleurs se demander, si la consécration du pacte d’actionnaires ne détourne pas réellement les statuts de leur finalité. A proprement parler, l’organisation des relations entre associés, la composition des organes sociaux, la conduite des affaires de la société, l’accès au capital, la transmission des titres sociaux tels que visés par l’article 2-1 de l’AU, sont les principales rubriques des statuts d’une société commerciale. La possibilité que confère l’AU de les définir dans une convention extrastatutaire amoindrit la teneur des statuts si toutefois elle ne lui ôte pas toute finalité. Nous prenons l’exemple d’un pacte signé par l’ensemble des associés d’une société. Dans cette situation on aura un contrat secret (le pacte) et un contrat apparent les statuts. Ces statuts ne seront conservés que parce que leur établissement est rendu obligatoire par la loi. Mais en réalité le fonctionnement et l’organisation de la société ne découlent guère des clauses qu’ils contiennent mais restent dévolus aux clauses du pacte. C’est jeter de la poudre aux yeux du public !

Au regard de toutes ces considérations, les actionnaires d’une SAS peuvent donc s’interroger sur la localisation de certaines clauses. Est-ce dans les statuts ou dans le pacte ?   Malgré la souplesse que confère la SAS, l’utilité d’un pacte d’actionnaires reste encore très intéressante eu égard à ses vertus qui vont au-delà d’une simple souplesse. L’alliage du pacte et des statuts de SAS promet donc une plus grande aisance dans la gestion d’une SAS même s’il faut admettre que l’intérêt du pacte d’actionnaires reste très visible dans les SA et les SARL.

[1] Article 2-1 de l’AUSC&GIE

[2] Etudes Joly Sociétés 06 juin 2016, Soraya Messaï Barhi

[3] Voir Livre 4, article 385 et suivants de l’AUSC&GIE

[4] Article 853-3 de l’AUSC&GIE

 

Momoya Sylla

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